La tempĂȘte balayait la montagne sans pitiĂ©. Les sapins pliaient sous le poids de la neige, et le vent hurlait comme une bĂȘte en colĂšre. Au milieu de ce chaos blanc, deux petits louveteaux tremblaient, blottis lâun contre lâautre. Leurs cris dĂ©chirants appelaient Ă lâaide, perdus dans lâimmensitĂ© glacĂ©e.

Ă quelques pas dâeux, leur mĂšre gisait Ă moitiĂ© ensevelie sous la neige. Sa patte Ă©tait prisonniĂšre dâun vieux piĂšge Ă mĂąchoires rouillĂ©, vestige laissĂ© par des braconniers. Le sang, dĂ©jĂ figĂ© par le froid, colorait la neige dâun rouge sombre. La louve respirait difficilement, mais ses yeux restaient fixĂ©s sur ses petits, pleins dâamour et de dĂ©tresse.
Les deux louveteaux tentaient dĂ©sespĂ©rĂ©ment de la rĂ©chauffer. Ils la poussaient du museau, gĂ©missaient doucement, comme sâils priaient le vent de les entendre. Et le vent, ce jour-lĂ , porta leur appel jusquâĂ un homme.
Nicolas, le garde forestier, arpentait la forĂȘt pour repĂ©rer des traces suspectes. Il connaissait ces bois comme sa poche, mais ce cri, il ne lâavait jamais entendu auparavant. Il sâarrĂȘta, tendit lâoreille⊠puis se mit Ă courir dans la direction du son.

Ce quâil dĂ©couvrit le laissa sans voix : une scĂšne poignante, figĂ©e dans la glace. La louve, enchaĂźnĂ©e par le fer, et deux petits ĂȘtres qui la veillaient. Lentement, Nicolas posa son fusil dans la neige. Les louveteaux se raidirent, mais ne fuirent pas. Leurs yeux brillaient, pleins dâune Ă©trange confiance.
Il sâagenouilla, sortit son couteau et tenta dâouvrir la trappe. Le mĂ©tal Ă©tait gelĂ©, ses doigts engourdis par le froid. AprĂšs plusieurs efforts, le piĂšge finit par cĂ©der dans un claquement sec. La louve bondit, grogna faiblement, puis resta immobile. Nicolas, avec douceur, dĂ©chira un morceau de sa veste et banda la blessure.
Un long silence suivit. Puis, dâun pas hĂ©sitant, la louve sâapprocha, lĂ©cha la main de lâhomme, et rejoignit ses petits. Avant de disparaĂźtre dans les arbres, elle se retourna une derniĂšre fois. Son regard croisa celui du forestier â un regard plein de reconnaissance silencieuse.

La tempĂȘte sâĂ©tait apaisĂ©e. Nicolas resta lĂ , immobile, entourĂ© de neige et de silence. Il comprit alors quâil venait dâĂȘtre tĂ©moin dâun miracle discret : celui du respect et de la vie, mĂȘme au cĆur de lâhiver le plus cruel. đšïžâ€ïžđŸ