Sous le ciel infini du désert, là où le vent efface chaque trace au matin, un jeune soldat nommé Artiom montait la garde. Le sable doré semblait paisible, mais le silence pesait, presque vivant. Chaque soir, il écoutait les murmures du vent, persuadé d’y entendre des voix oubliées.
Une nuit, alors qu’il partageait le maigre repas que lui offrait la base, il aperçut un serpent maigre et lent, qui s’approchait sans menace. Ses camarades crièrent de s’en éloigner : « Tue-le ! » Mais Artiom, mu par une étrange compassion, déposa devant lui un morceau de pain trempé d’eau. Le reptile s’arrêta, hésita, puis disparut dans l’ombre.
Les jours suivants, le serpent revint. Toujours plus proche, toujours plus calme. Une sorte de lien invisible naquit entre l’homme et la bête. Artiom lui parlait à voix basse, comme à un ami. Ses compagnons se moquaient : « Tu nourris ta mort ! » Il souriait seulement : « Même le désert a besoin de tendresse. »
Puis vint la nuit sans lune. Le vent soufflait fort, les dunes semblaient bouger comme des vagues. Artiom resta seul dehors, contemplant l’horizon. Au matin, il ne répondit plus à l’appel. Les soldats le retrouvèrent dans sa tente, immobile, les yeux ouverts, fixant le vide. Aucune morsure, aucune trace de lutte. Juste, à ses côtés, la marque sinueuse d’un corps glissant dans le sable.
Le capitaine ordonna de ne rien dire. Mais depuis ce jour, ceux qui montent la garde la nuit affirment entendre un chuchotement porté par le vent :
« Elle n’était pas cruelle… juste affamée. »
Certains jurent même avoir vu, sous la lumière tremblante des étoiles, un serpent noir s’enrouler autour d’une silhouette invisible. D’autres préfèrent croire qu’Artiom a simplement rejoint ce que le désert garde pour lui : le secret de ceux qui écoutent trop attentivement ses murmures.
Et quand la tempête de sable s’élève, on dit que son nom se mêle au vent — comme un avertissement, ou peut-être une prière. 🌬️
