Le jour où j’ai voulu sauver un petit ours, et où la forêt m’a presque repris la vie

Je marchais seul au bord d’une rivière encaissée, savourant le calme du vent dans les branches, lorsque quelque chose troubla la surface de l’eau. Une petite masse sombre dérivait lentement. Par curiosité, je m’approchai — et mon cœur se serra : c’était un ourson.

D’abord, je crus qu’il jouait, qu’il nageait maladroitement. Mais son immobilité trahissait la vérité. Pris d’un élan irréfléchi, je me penchai, l’agrippai et le tirai hors du courant. Son corps mou pendait entre mes bras. J’essayai de le ranimer, soufflant un peu d’air, tapotant sa poitrine — en vain.

Soudain, un craquement sec derrière moi fit vibrer l’air. Puis, un rugissement. Un son si profond qu’il fit battre mon cœur plus vite qu’un tambour. Je me retournai lentement.

À dix mètres à peine, une ourse immense m’observait. Son souffle soulevait la brume. Ses yeux, pleins de douleur et de colère, fixaient le petit que je tenais. À cet instant, elle ne vit en moi qu’un meurtrier.

Elle poussa un hurlement à glacer le sang et se dressa sur ses pattes arrière. Instinctivement, je lâchai l’ourson et reculai, mais il était trop tard. En trois bonds, elle me rejoignit. Sa patte frappa mon dos avec une force terrifiante. La douleur fut fulgurante, un éclair dans tout mon corps.

Je tombai, me relevai, et courus sans me retourner. Derrière moi, la forêt résonnait de sa fureur. J’esquivai les troncs, trébuchai, rampai, jusqu’à ce que les rugissements disparaissent dans le vent.

Quand je débouchai sur la route, haletant, j’étais couvert de sang et de boue.
C’est là que j’ai compris que la nature sauvage n’a rien de cruel ni de doux : elle est simplement vraie. Et au cœur de cette vérité, l’homme n’est qu’un visiteur de passage.

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