Je travaille dans une usine isolée, presque collée à la forêt. Chaque soir, je rentre à pied par le sentier qui longe la rivière. C’est un trajet calme, apaisant — du moins, d’habitude.
Ce soir-là, le brouillard s’épaississait à mesure que le soleil disparaissait derrière les arbres. Alors que je longeais la rive, j’ai vu une forme sombre, roulée sur elle-même. Je me suis d’abord dit qu’il s’agissait d’un tas de boue ou d’un chiffon imbibé d’eau. Mais quand j’ai distingué un mouvement, mon cœur a bondi.

C’était un petit être vivant, sale, trempé, presque méconnaissable. Ses poils formaient des paquets de boue, et ses pattes frêles bougeaient à peine.
— Mon pauvre petit… — ai-je soufflé, en croyant voir un chiot abandonné.
Je l’ai pris délicatement et ramené chez moi, pressé de le réchauffer.
À la maison, je l’ai placé dans la baignoire. L’eau tiède a rapidement dégagé une odeur de terre et de forêt. Sous mes mains, j’ai senti son pelage redevenir soyeux… mais quelque chose n’allait pas.
Ses poils étaient trop épais, presque sauvages. Ses oreilles se dressaient plus haut qu’un chiot normal. Et ses griffes, longues et tranchantes, accrochaient la serviette.
Quand j’ai croisé son regard, j’ai reculé. Ses yeux brillaient d’une teinte dorée et froide. Ce n’était pas un chiot.
Pris d’un doute, j’ai appelé un vétérinaire, prétendant que j’avais trouvé un « petit chien blessé ». Il m’a reçu en urgence. À peine a-t-il vu l’animal qu’il a murmuré :
— Vous n’avez pas recueilli un chien… c’est un loup.

Mon sang s’est glacé. Un louveteau, égaré, probablement séparé de sa meute.
Le lendemain, j’ai conduit l’animal jusqu’à l’orée du bois. Quand j’ai ouvert la cage, il s’est tourné vers moi, m’a fixé une dernière fois de ses yeux d’ambre… puis il a disparu parmi les arbres.
J’ai compris alors que la nature nous envoie parfois des rencontres qu’on n’oublie jamais. 🌌🐾